Le maintien de la déductibilité de la TVA d’amont en cas de poursuite d’une activité taxable postéri

Une disposition prévoyant l'obligation pour un assujetti, déclaré en liquidation judiciaire et radié du registre TVA local, d'acquitter sa TVA exigible pour déduire la TVA d’amont, lorsqu’il poursuit son activité taxable, doit être considérée comme une restriction du droit à déduction contraire à l'article 168 de la Directive TVA.
En l’espèce, une société de droit bulgare se voit ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à son encontre en application des cas d’ouverture de droit local. La société en liquidation, assujettie à la TVA, et en application de la loi bulgare sur la TVA, doit demander sa radiation du registre de TVA. Ultérieurement, l’assujetti demande sa réinscription au registre au motif qu’il entre dans le champ d’application de l’obligation de déclaration au registre TVA au regard de son chiffre d’affaire. La liquidation de la société entraine l’obligation pour l’assujetti de liquider et de verser la TVA exigible sur ses actifs. La société conteste l’obligation de liquidation de sa TVA exigible au motif qu’elle constituerait une condition supplémentaire à l’exercice du droit à déduction, laquelle ne serait pas prévue par la directive TVA. Le litige remonte jusqu’à la Cour de Justice de l’UE, à laquelle sont posées deux questions préjudicielles, la seconde découlant immédiatement de la première.
La première question concerne la conformité à la Directive d’une disposition interne prévoyant l’obligation pour l’assujetti radié de devoir liquider sa TVA due ou acquittée sur les actifs existants au jour de la dissolution. La question concerne donc les modalités de cessation d’activité au regard de la TVA. Sur ce point, la Cour de Justice admet sans surprise que la législation nationale est libre de prévoir les modalités de liquidation des montants de TVA de l’assujetti lors de la cessation de son activité. N’est guère plus contraire au droit de la Directive le fait que cette obligation de liquidation de la TVA soit un effet de la radiation du registre TVA. La radiation en elle-même justifie l’apurement des dettes de TVA de l’assujetti.
Cette première question ne sert en réalité qu’à introduire la seconde, laquelle vise la conformité à la Directive d’une même disposition interne prévoyant l’obligation pour l’assujetti radié de liquider sa TVA due ou acquitté sur les actifs existants alors qu’il poursuit son activité économique taxable. Sur ce point, le raisonnement de la Cour de Justice est traditionnel et se fonde, sans surprise, sur le principe de neutralité de la TVA. En l’occurrence, celui-ci impose que tout assujetti ait droit, dans le cadre de ses opérations taxables, de déduire sa TVA d’amont dès lors qu’il répond aux conditions de l’article 168 de la Directive (CJCE, 26 septembre 1996, aff. C-230/94, Enkler) et sans possibilité aucune de circonscrire cette déduction à des conditions supplémentaires prévues en droit interne (CJCE, 29 octobre 2009, aff. C-29/08, AB SKF) ; le système de la TVA étant pensé pour ne pas représenter une charge pour l’opérateur réalisant des activités dans le champ et taxées (CJCE, 22 février 2001, aff. C‑408/98, Abbey National). La Cour en déduit ainsi que la déduction résulte de l’exercice d’une activité économique taxable.
Ici est en cause la soumission de la déduction de la TVA d’amont à la liquidation, par l’assujetti de sa TVA due au titre d’opérations antérieures dans le cadre de la poursuite d’une activité taxable après son interruption provisoire. La Cour tire de la circonstance de la poursuite d’une activité économique taxable la non-compatibilité du principe de déduction de la TVA avec l’obligation de liquider la TVA due. Elle invoque à ce titre l’article 18 c) de la Directive relatif aux LASM, permettant aux États de considérer que la cessation de l’activité économique est de nature à fonder une liquidation de la TVA due. En dehors de toute cessation, la soumission de la déduction ne saurait être sujette à des conditions supplémentaires à celles de l’article 168. A cela s’ajoute le fait que la Cour avait déjà jugé préalablement que la liquidation de la TVA due au titre d’opérations antérieures ou ultérieures était indifférente lorsqu’il s’agissait de déduire la TVA d’amont (CJCE, 12 janvier 2006, aff. jointes C‑354/03, C‑355/03 et C‑484/03, Optigen e.a.).
D’une façon générale, la solution n’est guère surprenante en ce qu’elle se place dans la droite ligne d’un principe posé de longue date : la neutralité de la TVA ne saurait justifier toute restriction au droit à déduction autre que celle permise par les conditions du droit à déduction de l’article 168. La décision ici posée relevait davantage d’un contentieux de la conformité, mais permet à tout le moins d’appliquer le principe de déduction au cas d’une société en liquidation poursuivant son activité.
On relèvera néanmoins que la Cour avait soulevé l’hypothèse de la clause de gel comme cause justificative d’inversion de la hiérarchie des normes pour les règles locales prises avant 1977 : les exclusions du droit à déduction prévues par des dispositions internes et non pas par des dispositions de la Directive sont maintenues dès lors qu’elles existaient avant l’entrée en vigueur de la 6è Directive.
En l’occurence, la restriction de droit à déduction était postérieure et n’aurait pu être justifiée sur ce terrain.