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Aide d'état : détermination du débiteur de l'obligation de restitution postérieurement à une

CE, 24 novembre 2017, Min. c/ Railtech International, n° 403183, B.


Le Conseil d’Etat, par une décision du 24 novembre 2017, applique la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne sur la récupération d’aides d’Etat au cas d’une entreprise rachetée conservant sa personnalité juridique et continuant d’exercer pour elle-même les activités subventionnées par ces aides.


En l’espèce, par une décision du 16 décembre 2003, la Commission européenne a considéré que l’exonération d’impôt sur les sociétés en faveur de la reprise d’entreprises en difficulté prévue au titre de l’article 44 septies du Code Général des Impôts (CGI), constituait une aide d’Etat illégale dont elle a ordonné la récupération sans délai. Pour autant, dans une décision du 13 novembre 2008, la Cour de Justice condamne la France pour manquement à son obligation de recouvrement de cette aide. En effet, entre temps, la société ayant fait l’objet d’une aide d’Etat illégale a été acquise intégralement par une autre société qui fut ensuite l’objet d’une opération de dissolution-confusion en 2005 opérant une transmission universelle de son patrimoine à la société Railtech International qui a poursuivi l’activité de la société d’origine. Le trésorier-payeur général du Nord émet à l’encontre de la société Railtech International un titre de perception correspondant aux cotisations d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés dont la société d’origine avait été exonérée et condamnée pour aide d’Etat illégale. La société Railtech International forme alors une demande d’annulation du titre de perception devant le tribunal administratif.

Dans une décision du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Lille fait droit à cette demande.


Par un arrêt confirmatif du 5 juillet 2016, la cour administrative d’appel de Douai rejette l’appel formé par le ministre des finances et des comptes publics estimant que la cession du capital social de la société d’origine, réalisée dans le cadre d’une mise en concurrence de plusieurs offres, a été opérée au prix du marché de telle sorte que la société Railtech International ne peut pas être réputée bénéficiaire de l’aide. Le ministre forme alors un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.


L’enjeu du litige porte sur la détermination du débiteur de l’obligation de restitution de l’aide d’Etat. Dès lors, une entreprise s’étant substituée par l’effet de la transmission universelle de patrimoine à une société bénéficiaire d’une aide d’Etat est-elle débitrice de l’obligation de restitution de l’aide ?


Le conseil d’Etat répond par la positive et considère que la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit. Lorsqu’une entreprise à laquelle des aides d’Etat ont été octroyées conserve sa personnalité juridique et continue d’exercer pour elle-même les activités subventionnées par les aides d’Etat, celle-ci conserve l’avantage concurrentiel lié à ces aides de telle sorte qu’elle doit être obligée de rembourser un montant égal à celui des aides.


I – La détermination du débiteur de l’obligation de restitution d’une aide d’Etat


A- La détermination d’une aide d’Etat


En l’espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’au titre des exercices clos les 31 décembre 1995 et 31 décembre 1996, la société Ars Industrie, société d’origine a bénéficié de l’exonération d’impôt sur les bénéfices en faveur de la reprise d’entreprises en difficulté prévue à l’article 44 septies du Code général des impôts.

Or, l’article 44 septies du CGI prévoit un régime d’exonération d’impôt sur les sociétés au profit des sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté. Cette exonération est accordée en cas de cession ordonnée par le tribunal en application des articles L. 621-83 et suivants du code de commerce, ou, à défaut de mise en œuvre de la procédure de redressement judiciaire, sur agrément du ministre chargé du budget.

En principe, en vertu de cet article, les exonérations qui remplissent les conditions d’octroi des aides de minimis et des aides à finalité régionale ne constituent pas des aides d’Etat illégales. Toutefois, par une décision en date du 16 décembre 2003, la Commission conclut à l’incompatibilité du régime d’exonération prévu à l’article 44 septies avec le marché commun lorsqu’il ne remplit pas les conditions d’octroi des aides de minimis et des aides à finalité régionale. En effet, la Commission européenne a estimé que ce régime ne garantissait pas que les aides versées soient proportionnées aux investissements réalisés ou au minimum nécessaire pour mener à bien la restructuration des entreprises concernées.

Dès lors, aux termes de l’article 108 du TFUE, la récupération de l’aide doit s’effectuer sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’Etat membre concerné pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. La Cour de Justice a eu l’occasion de rappeler que la récupération des aides illégales doit être effectuée en principe selon les modalités prévues par le droit national (CJUE, Sim 2, 26 juin 2003). Tel ne fut pas le cas en l’espèce.


B- La détermination du bénéficiaire effectif de l’obligation de restitution


Postérieurement à la décision de la Commission, l’intégralité du capital social de la société ayant bénéficié des aides est acquis par une société avant que celle-ci fasse également l’objet d’une opération de fusion par une dissolution-confusion. La société d’origine qui a conservé sa personnalité juridique est désormais détenue par la société Railtech International qui a l’objet d’une opération de dissolution-confusion. Cette dernière poursuit l’activité de la société d’origine.

Or, selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, 29 avril 2004, Allemagne c/Commission), la récupération d’une aide incompatible avec le marché commun vise au rétablissement de la situation antérieure. « Cet objectif est atteint dès lors que les aides en cause ont été restituées par le bénéficiaire ou en d’autres termes par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective ». Compte tenu du rachat de la société, la question était de savoir sur qui pesait l’obligation de restitution.

L’avocat général Wathelet soulignait d’ailleurs dans ses conclusions que lorsqu’une entreprise ayant bénéficié d’une aide illégale est rachetée au prix du marché, l’élément d’aide a été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d’achat. Dans ce cas, l’acheteur n’est pas considéré comme ayant bénéficié d’un avantage. En revanche, la Cour de justice rappelle que la Commission européenne peut ordonner la récupération de l’aide illicite non seulement auprès du bénéficiaire de l’aide, mais aussi auprès de l’entreprise qui en a assuré la pérennité grâce aux moyens de production qui lui ont été transférés, lorsqu’il y a continuité économique entre les deux entités. (CJUE, Sim 2, 26 juin 2003).

Ainsi, pour déterminer le bénéficiaire d’une aide d’Etat, il convient d’identifier les entreprises qui ont eu la jouissance effective de celle-ci. Dès lors que le bénéficiaire de l’aide existe toujours et poursuit son activité, l’acheteur est considéré comme bénéficiant un avantage.


II- L’impact d’une opération de dissolution-confusion sur l’obligation de restitution d’une aide d’Etat


A- L’effet de la transmission universelle de patrimoine sur le bénéficiaire de l’aide


En l’espèce, la société Ars industrie qui avait conservé sa personnalité juridique ainsi détenue par la société Railtech International a fait l’objet deux ans après la décision de la Commission d’une opération de dissolution confusion opérant une transmission universelle de son patrimoine à la société Railtech International, qui a poursuivi l’activité de la société Ars industrie.

La dissolution-confusion est une opération juridique dans laquelle une société qui détient 100% du capital d’une autre, procède à la dissolution de la filiale qu’elle détient à 100%. « Elle décide de la dissoudre et de la confondre en son sein », selon Yves Laisné ; celle qui disparaît s’appelant alors la confondue. L’une des particularités de cette opération est de permettre la transmission universelle de patrimoine (TUP) qui signifie que le patrimoine de la confondue va vers la confondante : le patrimoine de l’entreprise confondue (actif et passif) est transféré à une autre société qui l’absorbe. Le second effet notoire d’une telle opération est la disparition de la personnalité morale. Or, en l’espèce, la société d’origine détenue par la société Railtech International avait gardé sa personnalité juridique. Malgré la transmission universelle de son patrimoine cette dernière avait poursuivi l’activité de la société d’origine.

Dès lors, dans une telle hypothèse, le Conseil d’Etat reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si la société Railtech International ne pouvait être regardée comme bénéficiaire de l’aide en s’étant substituée par l’effet de la transmission universelle de patrimoine à la société Ars Industrie laquelle avait conservé sa personnalité juridique et poursuivi elle-même l’activité. Le Conseil rappelle d’ailleurs en application d’une jurisprudence constante (CJUE, 1e octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erömü c/ Commission) que dans le cas où l’entreprise à laquelle des aides d’Etat ont été octroyées conserve sa personnalité juridique et continue d’exercer pour elle-même les activités subventionnées par les aides d’Etat, elle conserve l’avantage concurrentiel lié à ces aides de telle sorte qu’elle devient débitrice ce l’obligation de restitution de l’aide.


B- Le remboursement du montant de l’avantage fiscal


Après avoir identifié le débiteur de l’obligation de restitution de l’aide d’Etat, il est nécessaire de se pencher sur le remboursement du montant de l’avantage fiscal.

Le Conseil d’Etat rappelle à ce sujet que par cette restitution, le bénéficiaire perd en effet l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents. La récupération d’une aide incompatible avec le marché commun vise à rétablir la situation antérieure au versement de l’aide. Cet objectif est atteint dès que les aides en cause ont été restituées par le bénéficiaire, augmentées le cas échéant des intérêts de retard.

L’entreprise débitrice de l’obligation de restitution de l’aide doit être obligée de rembourser un montant égal à celui des aides même si l’entreprise a été rachetée au prix du marché et que ce prix a reflété pleinement la valeur de l’avantage résultant des aides en cause.

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