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Liberté d'établissement et transfert du siège statutaire - CJUE, 25 octobre 2017 – Affaire C-106


La liberté d’établissement est applicable au transfert du siège statuaire d’une société d’un Etat membre à un autre Etat membre, sans déplacement du siège réel de ladite société.

Par ailleurs, la liberté d’établissement s’oppose à ce que la règlementation de l’Etat membre, où le siège réel est situé, subordonne le transfert du siège statutaire à la liquidation de la première société.



En l’espèce, Polbud est une société à responsabilité limitée de droit Polonais. Par une résolution du 30 septembre 2011, l’AGE a décidé de transférer le siège social au Luxembourg, tout en gardant le siège réel en Pologne. Suite à cette résolution, le 19 octobre 2011 ladite société a déposé une demande d’inscription de l’ouverture de la procédure de liquidation comme le dispose l’article 270§2[1] du code de sociétés commerciales Polonais. Le 28 mai 2013 le siège social de Polbud est transféré au Luxembourg, et la société change de raison sociale pour devenir Consoil Geotechnik.

La société Polbud demande la radiation du registre du commerce polonais auprès du tribunal d’enregistrement. Ce dernier demande à la société Polbud de produire des documents démontrant qu’elle a fait l’objet d’une dissolution aux fins de la procédure de radiation. La société refuse de produire ses documents au motif qu’elle ne faisait pas l’objet d’une dissolution : ses actifs n’avaient pas été répartis entre associés et la demande de radiation du registre avait été déposée uniquement en raison du transfert du siège social au Luxembourg où elle poursuivait son existence en tant que société Luxembourgeoise. Le 19 septembre 2013, le tribunal d’enregistrement rejette la demande de radiation pour défaut de production desdits documents.

Ainsi commence la procédure judiciaire, Polbud forme un premier recours de cette décision devant le Sad Rejonowy Bydgoszczy[2], qui rejette son recours. L’appel est fait devant le tribunal régional, une nouvelle fois sans succès. La société se pourvoit en cassation devant la juridiction de renvoi pour les motifs suivants : à la date du transfert de siège elle était devenu une société de droit luxembourgeoise, et dès lors il y avait lieu de clôturer la procédure de liquidation et de procéder à la radiation de son inscription au registre du commerce en Pologne. Cependant, elle affirme qu’elle ne pouvait pas respecter les exigences de la procédure de liquidation prévues par le droit polonais dans la mesure où elle n’avait pas perdu sa personnalité juridique. La Cour Polonaise va surseoir à statuer et va renvoyer deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union Européenne :


  • Se pose la question de savoir si les articles 49 et 54 du Traité sont applicables au transfert de siège statutaire d’une société constituée en vertu du droit d’un Etat membre se déplaçant dans le territoire d’un autre Etat membres, sans toutefois déplacer le siège réel de la société, et si cette liberté est applicable du seul déplacement du siège statutaire ?

La Cour de Justice de l’Union Européenne admet que la société puisse se prévaloir de la liberté d’Etablissement, et affirme que cette liberté s’applique à toutes les sociétés constituées en conformité de la législation d’un Etat membre et ayant « leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union Européenne ».

La Cour poursuit dans sa justification de l’applicabilité de la liberté d’établissement en affirmant que cette liberté confère le droit à toute société « constituée en conformité avec la législation d’un Etat membre de se transformer en une société relevant du droit d’un autre Etat membre pour autant qu’il soit satisfait aux conditions définies par la législation de cet autre Etat membre, et, en particulier, au critère retenu par ce dernier aux fins de rattachement d’une société à son ordre juridique national ». [3]

On voit ainsi, que des arguments de la Cour de Justice de l’Union Européenne, que la liberté d’établissement est applicable aux transformations sociétales, et que de ce fait elle confère à la société requérante le droit de se transformer dans une société du droit d’un autre Etat membre, en l’espèce de droit luxembourgeois, tout en respectant le critère retenu par ce droit aux fins de rattachement d’une société à son ordre juridique national.

La Cour précise également, et cela découle d’une jurisprudence constante[4], que n’est pas abusif le fait d’établir le siège, statuaire ou réel, d’une société dans un autre Etat membre dans le but de bénéficier d’une législation plus avantageuse à partir du moment où, me critère de rattachement précité est rempli. Des arrêts Centros, et Cartesio[5] ressort également le principe selon lequel le transfert de siège statutaire ne doit pas nécessairement s’accompagner du transfert du siège réel afin d’entrer dans le champ d’application des articles 49 et 54.


  • Se pose également la question de savoir si la procédure de liquidation est une mesure proportionnée en vue de protéger les créanciers, les associés et les salariés d’une société faisant une transformation transfrontalière ?

La Cour répond explicitiement en se fondant sur une jurisprudence constante, qu’elle avait eu lieu de juger par l’arrêt concernant les « exit tax » National Grid Indus, c’est-à-dire que la restriction peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, et que la protection des créanciers et des associés correspond à une mesure d’intérêt général. La Cour nuance son propos en se demandant si cette restriction permet de réaliser l’objectif de protection, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence car la législation polonaise impose une obligation de liquidation sans tenir compte des risques que peuvent encourir les différents personnes ayant des relations avec la société transformée. La règlementation polonaise va au-delà d’une mesure proportionnée.


En conclusion, la liberté d’établissement est applicable au transfert de siège social, mais également à une législation qui imposerait une liquidation inconditionnelle afin de transférer son siège social.


[1] L’article 272 dispose que « la dissolution de la société intervient : 2) à la suite de l’adoption par les associés d’une résolution de dissolution de la société ou de transfert de siège de la société à l’étranger »

[2] Tribunal d’arrondissement de la Ville de Bydgoszczy

[3] Arrêt du 27 septembre 1988 Daily Mail and General Trust

[4] Arrêts du 9 mars 1999, Centros C-212/97 et du 30 septembre 2003 Inspire Art

[5] Arrêt du 16 décembre 2008 CARTESIO C210-06

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