Aides d’État – Ouverture d’une enquête approfondie sur le traitement fiscal accordé par le Luxembour
Le 19 septembre 2016, la Commission européenne a publié un communiqué concernant l’ouverture d’une enquête approfondie sur certaines décisions anticipatives émises par le Luxembourg à l’intention du groupe GDF Suez. En effet, la Commission soupçonne l’octroi d’un avantage fiscal injustifié à GDF Suez par rapport à d’autres sociétés, ce qui constitue une violation de la législation européenne en matière d’aides d’État.
En matière d’aides d’État
Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ne donne pas de définition officielle de ce que constitue une aide d’État.
L’article 107 § 1 du TFUE dispose que sont incompatibles avec le marché intérieur, puisqu’elles affectent les échanges entre les États membres, les aides qui sont accordées par les États, quelle qu’en soit la forme, et qui menacent ou faussent la concurrence au sein de l’Union européenne. L’article 108 du TFUE ,quant à lui, précise la procédure qu’il convient de suivre pour qu’une aide d’État soit considérée comme étant légale. Pour qu’une aide postérieure à la création de l’Union européenne soit légale, l’État membre doit notifier à la Commission son projet d’aide d’État, attendre que celle-ci émette un avis (favorable ou défavorable) à la suite duquel il pourra – ou ne pourra pas – la mettre en place.
Toutefois, la Commission et la Cour de Justice de l’Union européenne se sont chargées de donner à cette notion une conception large en précisant « qu’afin d’apprécier s’il y a aide, il convient […] de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique, qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions de marché[1] ».
Il existe donc quatre critères cumulatifs pour caractériser une aide d’Etat, à savoir :
que l’avantage octroyé par l’aide soit sélectif ;
qu’il fausse ou menace la concurrence ;
que l’avantage soit octroyé par un État membre et financé par les deniers publics ;
et que l’avantage favorise certaines productions ou certains biens, affectant ainsi les échanges intra-UE.
Le cas de GDF Suez (devenu Engie)
À propos de GDF Suez :
GDF Suez est une compagnie d’électricité française qui se dénomme désormais Engie[2]. Au 31 décembre 2015, l’État français détenait 32,76 % du capital de la société, et l’enquête ouverte par la Commission européenne le 19 septembre dernier concerne plusieurs des filiales du groupe GDF Suez étant établies au Luxembourg.
L’éventuel octroi d’un avantage fiscal injustifié à l’égard de GDF Suez par le gouvernement luxembourgeois :
Depuis 2008, le Luxembourg a émis des décisions fiscales anticipatives au sujet de deux transactions fiscales similaires entre quatre sociétés luxembourgeoises du groupe GDF Suez (la première en 2009 et la seconde en 2011). Les décisions anticipatives en matière fiscale ne sont pas interdites dès lors que ces arrangements entre les administrations fiscales et les sociétés appartenant à un même groupe respectent les législations nationales en vigueur.
Le gouvernement luxembourgeois a considéré que ces transactions, pourtant similaires, emportaient à la fois la qualification d’emprunts et de prises de participations. Dans un premier temps, « les sociétés emprunteuses [pouvaient] constituer des provisions pour les intérêts dus aux prêteurs[3] », et donc diminuer leur bénéfice imposable. Dans un second temps, « les revenus perçus par les [sociétés prêteuses, considérées comme des investisseurs, constituaient] une rémunération en capital similaire à un dividende versé par les emprunteurs[4] ». In fine, cela aboutissait à une (double) non-imposition des sommes en question par l’administration fiscale luxembourgeoise.
C’est pourquoi, le 19 septembre 2016, la Commission européenne a ouvert une enquête approfondie sur l’avantage fiscal accordé par le Luxembourg au groupe GDF Suez (devenu Engie). Elle estime qu’au regard du traitement appliqué aux autres sociétés luxembourgeoises cet avantage est significatif, et caractériserait l’existence d’une aide d’Etat illégale violant la législation européenne en vigueur en matière d’aides d’État.
Il faut noter qu’une transaction financière peut être imposée différemment en fonction de sa nature (emprunt ou prise de participation), mais cette même transaction ne peut emporter simultanément les deux qualifications. Cette enquête aura donc pour but de déterminer si le Luxembourg a dérogé à la législation applicable en ce qui concerne les aides d’État.
GDF Suez n’est pas la seule entreprise concernée par ce type d’enquête, le géant américain du fast-food McDonald’s fait lui aussi l’objet d’une enquête par la Commission européenne. Tout comme pour GDF Suez, l’administration fiscale luxembourgeoise aurait, dans la lignée de décisions anticipatives en matière fiscale, exonéré intégralement d’imposition la quasi-totalité des revenus des sociétés luxembourgeoises du groupe en avançant que ces derniers sont imposés aux Etats-Unis (ce qui semble pourtant ne pas être le cas).
Le gouvernement luxembourgeois a publié un communiqué dans lequel il estime qu’aucun avantage sélectif en faveur des filiales luxembourgeoises du groupe GDF Suez n’a été octroyé.
[1] CJCE 11 juillet 1996 SFEI, aff. C-39/94 – Considérant 59
[2] En 2013 le pacte d’actionnaires n’a pas été renouvelé, et de ce fait GDF Suez a perdu son contrôle sur Suez Environnement (désormais Suez). Malgré tout GDF Suez demeure un partenaire stratégique de Suez Environnement. Il faut distinguer GDF Suez et Suez Environnement, qui sont deux structures différentes. Seuls GDF Suez et le gouvernement luxembourgeois sont concernés par l’enquête ouverte par la Commission Européenne.
[3] Aides d’État – La Commission européenne ouvre une enquête approfondie sur le traitement fiscal accordé par le Luxembourg à GDF Suez (devenue Engie), Septembre 2016, [en ligne : consulté le 8 janvier 2017], disponible sur le site europaforum.lu.
[4] Ibid.